Reprendre une activité créative

Petit retour en arrière explicatif en premier lieu :

J’ai arrêté de dessiner environ à la moitié des années collège, en gros quand beaucoup de choses personnelles graves se sont réveillées. L’écriture a remplacé très vite ce medium car j’étais plus à l’aise avec les mots pour m’exprimer et la lecture aussi prenait une place de plus en plus importante.
J’ai fais quelques allers-retours timides avec le crayon une fois adulte mais rien de bien concret. Je n’ai en revanche jamais perdu de vue l’art  et je peux dire à ce jour, sans pathos mais bien parce que c’est la réalité, que c’est quelque chose qui m’a sauvée plusieurs fois dans ma vie.

A ma grande tristesse je n’ai rien gardé, c’est pourquoi j’ai décidé de documenter cette reprise et plus globalement mon parcours artistique. Tout ce que j’aurai voulu faire enfant, je me le permets enfin. Toutes les techniques que je croyais impossibles pour moi à réaliser, je vais m’y essayer. Toutes les couleurs et textures qui me font rêver, je vais dialoguer avec.

Si cela peut paraitre pour un regard extérieur, anodin ; pour qui ne connaitrait pas mon histoire, c’est pourtant une énorme victoire sur mon passé, une revanche non pensée sur tous les “elle ne fait jamais rien à fond, elle change d’avis tous les 3 mois” etc. S’il y a bien une constante absolument indéniable dans ma vie c’est bien mon amour immodéré pour l’art, pour la création, j’y reviens sans cesse, que cela me prenne 3 ans ou 15, et bonsoir aux médisants.

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Je fais avec l’espace dont je dispose qui se réduit à une table en verre et mon bureau mais je ne me plains pas et cela me permet de réfléchir à de futurs aménagements quand j’aurai un vrai chez moi.
J’ai tenté de ne pas trop succomber aux sirènes des godets, pinceaux, palettes et crayons en tout genre et de me restreindre à des basiques, de toute manière vu que je reprends de zéro ça ne servirait à rien que j’entasse du matériel dont je ne comprends pas encore le langage et que je ne saurai de fait pas exploiter. Heureusement j’ai gardé pas mal de choses d’années en années, c’est l’avantage parfois de se dire ça servira sans doute plus tard : des papiers de toute sorte, des encres, des perles, des breloques, stylos etc.

. Pour la peinture :

– l’aquarelle a une place méga importante dans mon cœur et je voulais absolument essayer alors je me suis dirigée vers une marque russe “White Nights” de  Nevskaya Palitra, elles sont réputées pour être bien saturées en pigments et sont moins chères que les occidentales. Je trouve les bleu et les vert fabuleux, la texture globalement est jugée crayeuse mais ce n’est pas quelque chose qui me dérange au contraire. J’ai du me résoudre pour le moment à les mettre dans une boite quelconque car la palette était livrée sans, et comme ce sont des grands godets c’est plus difficile d’en trouver une métallique qui ne coute pas un bras.
– pour la gouache qui m’a longtemps rebutée et que j’ai redécouvert à travers des vidéos Youtube de personnes reproduisant des scènes de Ghibli, j’ai honteusement craqué pour une palette qui a été méga mise en avant dans les dites vidéos et qui est la palette “Himi” avec ces gouaches à la texture de gelée. Hyper agréable, amour fou pour les couleurs, il me manque juste des pinceaux corrects.

Rien qu’avec ces deux techniques si différentes – même si on peut imiter jusqu’à un certain point l’aquarelle avec la gouache – le plaisir de toucher de la matière, la manipuler, et surtout d’essayer de comprendre comment elle fonctionne, comment elle parle,  a été un bonheur tel que j’ai eu plusieurs moments de béatitude créative comme je n’en avais plus ressenti depuis bien longtemps. Une joie pure, simple, un truc qui a éclaté dans mon cœur et dans ma tête, j’ai passé des soirées dans un calme intérieur que je n’avais pas ressenti non plus depuis un bail.

. Autre matériel :

Il ne faut pas croire mais à Action on découvre des choses qui parfois valent franchement le coup. Ils ont maintenant un rayon matériel créatif bien fourni, dans lequel il faut faire le tri bien sûr (la qualité sera largement suffisante pour des enfants par exemple, en terme de peintures et crayons/feutres), mais j’ai pu trouver quelques basiques dont des crayons graphites (totalement ok pour débuter et comprendre le degré de “gras” de la mine entre les B et HB), des stylos à mine d’épaisseur différentes (parfait pour les contours), carnet (bien faire gaffe pour le grammage ; je peux faire de la gouache sur celui-ci en entrainement mais clairement pas de l’aquarelle, parfait aussi pour tout ce qui est croquis et prise de note), j’ai vu qu’il y a aussi du papier noir mais je n’ai pas encore essayé. On est sur des prix qui se situent entre 2 et 4 euros en général donc clairement quand on a peu de moyens ou qu’on est pas sûr que telle chose va plaire c’est plutôt pas mal, surtout quand on débute ou qu’on reprend.

On peut également se tourner du côté du seconde main, Vinted et Leboncoin, j’ai fais quelques recherches rapides et je pense que sur le second plus particulièrement on peut tomber sur des gammes de peintures vraiment chères à prix très cassé (j’ai vu des annonces de vide atelier par exemple) alors certes elles seront déjà utilisées mais elles peuvent largement servir de peintures d’essai ou bien de peinture d’appoint quand on sait qu’on utilise très peu telle ou telle couleur. J’adorerai également participer à des trocs, parfois on se trompe lors de l’achat ça peut totalement arriver, et que faire alors de quelque chose de neuf laissé dans un tiroir ? Ou d’une couleur ou de papiers, crayons, etc que l’on utilise plus ? Échanger peut aussi être la solution.

A terme, même si ça risque d’être difficile me connaissant, j’aimerai rester sur une seule palette pour chaque type de peinture, avec des couleurs que j’aurai soigneusement cherchées et qui n’engloberaient nécessairement pas tout le spectre car me connaissant là aussi il y a peu de chance que j’utilise souvent du rose, du jaune, de l’orange etc. J’aimerai aussi, idéalement, n’avoir que des peintures entièrement clean et provenant de petites productions ; bien que la majorité des peintures sont estampillées non toxiques (aquarelle, acrylique, gouache et à l’huile) elles contiennent tout de même des solvants et fixatifs dont certains à force d’inhalation peuvent devenir cancérigène, mais ce qui me pose le plus soucis personnellement ce sont les rejets dans l’eau.
Je suis déjà allée faire un tour de ce côté, et je peux vous dire que mon niveau de hype est à son comble, beaucoup moins le compte en banque. Il est clair que c’est un investissement plutôt couteux donc autant être totalement sûr de ce que l’on va utiliser avant et penser le plus possible en amont l’utilisation des couleurs.

J’ai déjà partagé quelques petites choses sur Insta mais je reviendrai faire un récapitulatif plus détaillé ici, à fréquence plutôt large (en mois, donc).

Créativité cherche preneur

Chevaux Noirs - août 2021

Vivre de mes photos n’a jamais été une option envisageable. J’y ai pensé bien entendu mais je savais qu’il y avait très peu de chance que j’y arrive ; tout d’abord parce qu’une grande partie des règles du jeu se fait sur les réseaux sociaux, s’il y a bien une chose que je ne sais pas faire c’est me vendre ou plutôt devrais-je dire que je ne le veux pas. Je connais bien les mécanismes, j’ai regardé et analysé bien assez de comptes, j’ai lu sur le sujet. Je préfère me jeter dans un puits. Il y a une fausseté immense qui colle comme une seconde peau dès que l’on doit appâter.
Les hommes en sont exempts la majorité du temps, on reconnait bien vite leur “talent” et leur “maitrise”, on se congratule entre mecs, le broclub se met en route, on hésite pas à mentir sur 2-3 détails histoire de gonfler ledit talent ce n’est pas grave tout le monde fera comme s’il n’avait pas vu, après tout ça ne fait de mal à personne et ça ne fâche pas les sponsors. Pour une femme on sait bien que, comme pour le monde du travail, elle devra se surqualifier pour être un temps soi peu reconnue. Ce ne sont plus des secrets de polichinelles.
La photographie est un domaine archi saturé, où on vous fait vite comprendre que pour avoir une place vous devez soit avoir de très bonnes relations – as usual – soit produire du contenu toujours plus extrême, dans tous les sens du terme (et ne pas être parent solo). Il était donc très clair que ne rentrant pas dans une catégorie de photo top 3, n’ayant pas envie de m’endetter pour du matos de fou, la croix a vite été tirée. Je mentirai si je disais que c’est passé comme une lettre à la poste : bien sûr que j’en ai été aigrie un temps, bien sûr que j’ai trouvé ça injuste, évidemment je me suis tapée des dissonances cognitives à n’en plus finir. Je suis passée par le théâtral “ô rage ! ô désespoir ! pourquoi pas mooaaaaa” au silence froid et dédaigneux de l’égo blessé.

Comme beaucoup, et c’est vraiment quasi inévitable comme comportement, je me suis laissée embourber dans le très classique “je n’intéresse personne et je ne vends pas donc je n’ai pas de talent”, si tant est que le mot talent puisse encore dire quelque chose. Pourtant ce n’est pas faute de nous rabâcher les oreilles depuis gamin (en tout cas c’est ce que j’ai toujours entendu en tant que cool kid des 90′), l’art ça ne vend pas, faire une école d’art ne sert à rien (sauf si au bout t’as déjà un réseau papa-maman). Sous-entendu qu’on ne peut pas en vivre. L’argent et l’art dans ma tête les deux vont forcément de pair. Etre artiste ok mais en dehors, pour de faux, comme ça vite fait le week-end entre deux couches d’argile auto durcissante.
Au final on se retrouve avec 2 types d’art, celui accroché dans les musées, et celui qu’on veut produire ; admiration sans borne pour le premier, business casse tête infini pour le second. Est-ce que c’était si différent autrefois ? Sans commande les peintres n’avaient plus qu’à jouer aux cartes et aller taquiner la gueuse, certes oui, mais les situations économiques n’ont strictement rien à voir.
Et j’ai beau me dire que si de plus en plus de gens essaient d’en vivre c’est que ça démontre quand même quelque chose d’important, j’ai toujours ce petit doute : est-ce que c’est vraiment par amour créatif ou pour échapper à un modèle du travail de plus en plus insupportable et invivable ? Accolé à celui de l’artiste le fantasme du boulot chez soi est quand même très vif.

Être artiste c’est être précaire, être artiste indépendant (sans maison d’édition derrière par ex) c’est dépendre uniquement du mécénat. Je ne connais quasiment aucun.e artiste qui se maintient sans Patreon ni chaine Youtube associés, quand je dis qui se maintient ça veut dire qui peut se verser un salaire décent tous les mois. Prenez n’importe quelle vidéo ou post d’artiste qui explique leur revenu, c’est flagrant. Beaucoup ont soit un job principal soit un compagnon qui a un job qui peut assurer le quotidien, et sans enfant sinon ça se gâte. Que ce soit les US, UK, l’Europe. Je connais moins pour l’Asie sur ce sujet.

Bon, soit. Les conclusions ne sont pas si compliquées à comprendre : on veut faire du pognon avec quelque chose que l’on aime, être reconnu, se lever après 9h, disposer de son temps comme on souhaite l’arranger, ne pas prendre sa bagnole ou les transports en commun tous les saints jours que l’espace fait. Ca n’a rien d’idiot ni de pathétique. Mais si on commence l’art juste pour ça alors ce n’est même pas la peine de commencer. Il y a une différence entre aimer un loisir et décider d’en faire son job, une fois la ligne franchie ce n’est plus un loisir c’est comme on dit en anglais un “commitment”. C’est marche ou crève. C’est le pas que je n’ai pas voulu franchir au final, ni pour la photo, ni pour l’illustration pour laquelle j’ai la petite prétention de croire que j’aurai pu en faire quelque chose si je m’étais donnée à fond. J’étais persuadée, et je le suis toujours, que je n’aurai jamais retrouvé le plaisir de faire sans contrainte, ce plaisir là si particulier parce que libre de toute obligation. Le même qu’on ressent lorsqu’on est gosse et qu’on se dit oh tiens j’ai envie de dessiner !
Bien sûr si je vends 10 photos en 1 an je ne vais certainement pas cracher dessus, mais c’est le bonus, ce n’est pas ça qui décidera du niveau de remplissage du frigo. Quelle angoisse.

C’est peut-être pour ça non ? que je n’ai jamais pu me lancer. L’angoisse. Mais pourtant c’est l’art qui m’aide à faire baisser les tentions mentales et corporelles, donc logiquement je devrai le faire plus souvent, tous les jours, dès le moindre temps libre, et puis ça me ferait vachement progresser tiens, je pourrai enfin montrer mes oeuvres sans rougir, peut-être même créer un Insta rien que pour ça, et puis pourquoi pas infine ouvrir un Etsy… c’est si facile de se laisser entrainer en pensées, et au final vers quoi on tend ? La thune et la productivité. Il n’y a rien à faire, c’est comme un virus.

Eaux miroir - juillet 2019

Et encore une fois peut-on vraiment blâmer ? Est-ce si “mal” de vouloir se dégager de l’enfer du quotidien, est-ce si mal de vouloir réenchanter les espaces personnels moyennant finance ? On sait tous très bien que non, elle n’est pas là la question, elle est dans notre société qui nous pousse à faire des choix que l’on ne devrait pas avoir à faire, qui nous plante face à des dichotomies insolubles où il n’y a plus de juste milieu. Et, plus que tout, l’art est écarté de nous progressivement. Il n’a pas sa place parce que plus personne – le peuple qui trime quoi – n’a le temps.

Et puis, parlons-en de discours dissonant : il suffit de lire n’importe quelle ribambelle de commentaires – ou d’écouter des conversations de famille ou d’ami.e.s – pour savoir que les gens veulent de l’art mais n’ont aucun problème à rabaisser les artistes. “Ha bon tu t’amuses avec tes crayons/peintures toute la journée alors que y’en a d’autres qui font du 8/18 tous les jours ? Ha ouai tu es photographe, donc tu te balades tranquille toute la journée quoi ça va c’est pas trop dur la vie ?” La jalousie d’un côté et la culpabilité de l’autre : “ouai non mais c’est bon je prends un crayon je fais pareil c’est pas compliqué leur truc là”, “c’est vrai qu’il y a tellement de gens en galère totale qui souffrent à leur taff, qu’est-ce que mes dessins peuvent bien changer, à quoi suis-je utile dans cette société ?”. Sans parler des prix qui sont sans cesse raillés et discutés. On ne connait absolument plus la valeur d’un savoir faire. Je me rappelle encore le choc que j’avais eu lorsque j’ai lu pour la première fois en détail le revenu d’un bédéiste.
Sans plus aucune production artistique quelle qu’elle soit, ni livres, ni films, ni séries, ni BD etc, j’aimerai bien entendre à nouveau ces personnes, m’est avis que l’on aurait, bizarrement, un tout autre discours.

Que l’on ne soit pas dupe, si notre système basculait d’un coup et que l’on pourrait vivre dignement de son art je serai la première à sauter à pieds joints dans l’aventure. Je fais parti de mon temps, j’ai aussi mes périodes où je regarde beaucoup trop de vidéos de quotidien d’artistes indé qui racontent leur business, leur challenge, la partie administrative, leur peine et leur satisfaction. Il y a sans l’ombre d’un doute une partie de moi qui en crève littéralement d’envie, aussitôt rattrapée par ma situation bien plus prosaïque et urgente qui ne me laisse aucune place ni le temps de tenter un essai. Je me console avec ma raison : je sais que cette période de notre époque ne permet pas que certaines situations particulières (qui deviennent de plus en plus courantes) prennent leur temps. Je sais que, présentement en tout cas, mon esprit angoissé, mon être trop dissocié, ne pourraient pas supporter ce stress en plus. Peut-être qu’au fond c’est très bien comme ça, ce que j’essaie de créer est totalement distancié du profit, de la production réglée.

Je crée oui parce que ça me plait, mais surtout parce que ça me fait du bien. Sans cette dimension thérapeutique est-ce que cela aurait eu le même sens ? La même importance dans ma vie ? Est-ce que je ne suis pas là à me prendre un chou énorme pour rien, alors que je pourrai simplement prendre mes crayons ou mon appareil photo et faire mes petits trucs dans mon coin ?
La seule chose qui me fait écrire parfois c’est que je sais les problèmes et errances d’autres personnes que je connais de près ou de loin. Il faut les dire. La joie se répand quand on la partage, la peur, elle, diminue, se transforme. Je veux bien alors me prendre la tête sur des paragraphes entiers si cela allège vos propres réflexions.
Je veux bien me forcer à faire de la place à mes crayons – en essayant de ne pas culpabiliser de faire cette place (décidément on a vraiment tous l’air d’avoir un grain) si cela peut faire resurgir en moi pendant un temps ce jardin luisant. Si cela peut me permettre de mettre un pied devant l’autre chaque jour.

Cette force de création, si vous l’avez, ne la laissez pas s’éteindre ; utilisez-la jusqu’à la lie, pressez-en jusqu’à la dernière infime goutte que vous pouvez extraire de vous, remplissez vous comme un vase sans fond de tout ce qui fait vibrer chaque corde de votre âme, tout ce qui vous retient à cette existence, tout ce qui définie ce souffle qui vous anime, tout ce qui refuse de plier. C’est tout cela qui fait ce que vous êtes, c’est tout cela qui fait ce que vous pouvez offrir au monde.
Et ce monde-là en a grand besoin.

Prussian blue

A page of blues in Werner's Nomenclature of Colours, first published in 1814 and just released in a new facsimile edition

J’aime bien dire que j’ai grandis “dans” la forêt et non pas avec ou à côté d’elle. Il y a une part de vérité certaine dans cette affirmation. Quand je n’y étais pas j’y pensais, et quand j’y étais je pensais à tout ce qui la composait, parfois je ne pensais à rien mais même dans ces rares moments de silence intérieur je dialoguais avec les couleurs de la nature. De fait, le vert a été pendant très longtemps ma couleur favorite. Toutes ses nuances pour être plus précise. Je n’ai jamais su choisir entre un vert sauge velouté et un vert mousse émeraude. Et ces nuances quoi de mieux qu’une forêt pour toutes les voir. J’étais également très attachée à celles du marron et du gris (pour les nuages).

Il y a cependant une couleur qui m’échappait toujours. Je l’aimais certes mais elle était pour moi si énigmatique que, bizarrement, je l’ai évitée longtemps. C’est drôle non, de penser qu’une couleur puisse vous faire ressentir autant de choses contradictoires ? Je crois qu’elle m’émouvait trop, encore plus que les verts d’une certaine manière, j’en avais peur.
Comme quand vous trouvez un tableau si beau qu’il vous fait mal. Vous avez mal de beauté. Votre cœur se serre, vous avez envie de pleurer mais vous ne pouvez pas, c’est tellement “trop” que vos yeux ne peuvent le regarder longtemps ou bien, vous le savez, vous ne regarderiez plus que ça, vous vous perdriez dans ce tableau et votre raison avec.
Il y a des bleu qui me font cet effet, qui m’étreignent le cœur dès que je les vois, je sens bien que cela touche quelque chose de profond en moi, mais c’est comme quand vous tournez la tête pour voir ce que votre œil a capté au coin, quand on bouge on perd. Si je cherche en moi cela s’évapore déjà, je sais que je ne saurais jamais vraiment et je l’espère sinon le sortilège se brisera.

 

Keats, en 1818, en a fait un superbe poème :

” Bleu ! c’est la vie du ciel, le domaine
De Cynthie, le vaste palais du soleil,
La tente d’Hespéros et de toute sa suite,
Le giron des nuages, or, gris, brun.
Bleu ! C’est la vie des eaux – l’océan
Tous ses fleuves vassaux, les innombrables flaques,
Peuvent bien enrager, écumer, bouillonner, mais jamais
Ne peuvent s’apaiser sinon dans le natal bleu sombre.
Bleu ! Noble cousin du vert de la forêt
Marié au vert dans les plus exquises des fleurs
Le myosotis, la campanule, et cette reine
En discrétion, la violette : quels étranges pouvoirs
N’as-tu pas, lorsque tu n’es qu’une ombre ! Mais
combien grands
Lorsqu’en un oeil t’anime le destin !”

 

Dans les arts on dit que le bleu est une couleur froide, et quand on y pense dans la vie quotidienne tout ce qui est froid est représenté en bleu. Pourtant je n’ai jamais associé les deux, en fait en rédigeant cet article je me suis rendue compte que je ne considérais aucune couleur froide et que plus globalement je n’ai jamais ressenti les couleurs en terme de chaleur mais plus en terme d’émotions/sensations, voire de sons, d’où peut-être mon incapacité totale à retenir le cercle chromatique en mettant en opposition ou complémentarité les couleurs suivant le schéma chaud/froid. 
Sur Instagram je poste souvent des œuvres d’arts en story et il est vrai que depuis un certain temps le bleu est devenu une couleur prédominante, parfois je m’extasie tellement devant, en l’écrivant, que j’ai peur de paraitre ridicule. Après tout ce n’est qu’une couleur, pourquoi en faire tout un plat ? Est-ce la malédiction des esthètes de sentir son cœur rater un battement sur des éléments de la vie qui ne semblent pas essentiels à d’autres ? Il y a des gens qui se pâment devant les dernières Adidas moi c’est devant un bout d’étoffe de velours et clairement je ne dis pas que l’un ou l’autre est mieux, mais j’aurai aimé, je crois, qu’une forme de beauté plus simple, plus accessible, soit mieux encouragée, vue, intégrée, diffusée. 

 

Autour de cette couleur (non exhaustif, il y aurait tant à dire) : 

. il existe “l’heure bleue“, il s’agit du moment juste avant l’aube ou quelques secondes après le coucher du soleil, lorsque le ciel se pare d’un bleu très profond (qu’on confond souvent à tord avec du noir).
. le bleu très foncé en grec se dit “Kyanos“.
. le mot bleu n’est arrivé que tardivement, quand quasiment toutes les autres couleurs avaient déjà leur nom. Dans l’Odyssée d’Homère par exemple le mot bleu n’est jamais écrit ! La mer était décrite avec des teintes de violets. En Europe comme on ne savait pas décrire le bleu on le faisait varier dans un spectre large allant du blanc au vert et noir. 
. le tout premier pigment bleu est obtenu, chez les Egyptiens, en broyant de l’azurite. 

Pour finir, quelques œuvres dont les teintes me font chavirer le cœur, je n’en ai choisi que quelques unes sinon j’en aurai pour des pages entières. Il n’y a par exemple aucun Monet alors que ses bleus me transpercent (la 10ème image provient d’une de mes story insta mais je n’ai pas réussi à retrouver l’origine de la photo).

Et vous, y’a t-il une couleur qui vous interpelle particulièrement ? 

 

Cet article inaugure la nouvelle catégorie “Infusion”, je me permets enfin de parler d’art de façon personnelle mais aussi de partager mes tentatives de renouer avec le dessin/la peinture, que j’ai depuis longtemps délaissés.  C’est un exercice qui m’est difficile car m’exposant à la critique mais je prends le risque, mes gribouillages donneront peut-être l’élan nécessaire à quelqu’un d’autre de se lancer et rien que pour cela le jeu en vaut la chandelle.