« L’art thérapie » c’était le titre que je voyais défiler sous mes yeux quand j’allais à Cultura et à la Fnac il y a des années, j’essaie de me remémorer à partir de quand on a commencé à voir le phénomène arriver en France mais je n’y arrive pas, vu que c’est une pratique utilisée aussi (et peut-être ‘d’abord’ ?) en psycho et probablement américaine – comme beaucoup de thérapies et mouvements que l’on semble re découvrir par le biais du capitalisme totalement décomplexé sur le mal-être. Je ne me souviens pas de la date, donc, mais je me souviens très bien du sentiment que cela déclenchait quand je voyais ces livres aux couvertures plus clinquantes les unes que les autres : « qu’est-ce que c’est encore que ces conneries ». La même réaction pour tout ce qui avait comme titre « dialoguer avec/retrouver son enfant intérieur ».
‘Bullshit’ clignotait en gros devant mes yeux, j’avais une aversion limite anxiogène pour ce genre d’ouvrages qui, pour moi, n’étaient que des miroirs aux alouettes et faisaient plus de mal que de bien aux personnes en grande souffrance pour qui, souvent, ces livres représentaient la dernière bouée de sauvetage. Du dégoût, de la colère, mon anarchie qui se réveillait, je finissais par sortir de là en ayant envie de gueuler « TOUT CRAMEEEEER ».
20 ans plus tard tout me rattrapait. Je dois dire que l’ironie dans ma vie prend une bonne proportion mais parfois c’est du haut level car ces deux notions, d’art thérapie et d’enfant intérieur, j’allais les retrouver bien présentes et bien concrètes, et même en position centrales dans mon quotidien`, totalement vidées du blabla spirituel. Cependant il faut tempérer les choses : à 20 ans, en pleine tourmente due à l’inceste dont j’avais été victime j’aurai été absolument incapable de comprendre ce que j’avais sous les yeux, ni de séparer les ouvrages sérieux des autres.
Pourtant, j’ai cherché l’art toute ma vie et ce n’est que très récemment que je me suis rendue compte de l’étroit dialogue que j’avais toujours maintenu avec lui même dans les relations amicales et amoureuses que j’ai pu avoir ; il a indéniablement joué un rôle thérapeutique, plus que je ne peux m’en rappeler. Ce n’est que cette année que j’ai réellement compris sa présence et son « pouvoir » sur moi.
En témoignent les myriades de vidéos que je regarde sur YouTube quand j’ai une baisse de moral. Je regarde les gens peindre, dessiner, crafter, raconter leur derniers achats, montrer leur carnet à dessin, parler d’un sujet en particulier de manière pointue, écouter les essais/erreurs/réussites/partages personnels etc. Rien ne me rebooste autant que ces vidéos ainsi que les articles de blog quitte à relire plusieurs fois mes préférés.
Regarder les gens faire, fabriquer, se donner le temps de créer quelque chose calme mon anxiété et d’une certaine manière me recadre sur mes propres envies et aspirations qui se retrouvent bien vite noyées sous les responsabilités parentales, le taff, l’état catastrophique de notre société et du monde en général. J’ai toujours ce sentiment très rassurant : « si des gens arrivent encore à créer alors tout n’est pas perdu ».
Comme le yoga, la relaxation et la méditation c’est une pratique qui me calme et m’ancre mais c’est surtout quelque chose qui fait parti de mon identité et qui donc me demande bien moins d’efforts : j’ai toujours été une gamine qui bricole avec tout et n’importe quoi. Et c’est hyper rassurant, à contrario des routines que j’essaie vainement d’avoir sur les pratiques mentionnées auparavant, de savoir que c’est quelque chose que je ne peux pas perdre, qui est constante.
Cette zone de fabrication dans le temps et l’espace m’est presque sacrée. C’est comme une pause dans le monde, une respiration autre. J’ai toujours l’impression que c’est un endroit où on ne peut tricher et qui permet d’exprimer quelque chose de « vrai » en soi, que cela soit positif ou négatif. Et, plus encore, ces sensations très « enfantines » que je me permets de ressentir, sans gêne et sans remords : la joie pure et simple de faire naitre quelque chose sous mes yeux, la béatitude de la découverte des couleurs, des matières, des textures. Cette joie si organique, si incomparable aux autres et si reconnaissable entre toutes.
Je termine ce billet avec les paroles d’une chanson que j’adore de Peggy Gou « Your art » :
Create your own view
Your universe
Your after image
Your artwork
Create an image of what you’re sending on
Standing on
Walking on
Right now and all the time
Look around
Look up
Look down
What do you see?
What do you feel?
We have colonized
Industrialized
Mordernized
We have forgotten self respect and to listen to ourselves
My offer to this?
Let’s make the artwork again
Let’s make the artwork again
Create your universe and you
Be present